Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Deschamps : «Je ne suis pas un dictateur »
Cyrille Haddouche(Sport24.com) Mis à jour le 26/10/2012 à 11:23 | publié le 26/10/2012 à 09:20
Crédits photo : Sébastien Soriano/Le Figaro
Les enseignements après l'Espagne, la virée nocturne des Espoirs, ses relations avec le président de la FFF Noël Le Graët... Didier Deschamps a reçu dans son bureau Le Figaro pour évoquer les dossiers chauds du moment.
Quels enseignements tirez-vous du récent match nul ramené d'Espagne ?
Didier Deschamps : J'avais demandé aux joueurs d'aller au bout d'eux-mêmes pour ne pas nourrir de regrets. Je suis très satisfait que nous ayons réussi à créer autant de soucis à la sélection qui a remporté les trois grands derniers tournois internationaux. Matérialiser ses intentions est la chose la plus difficile dans le foot. Il faut du talent pour exister au plus haut niveau, mais à condition de le mettre au service du collectif. Ce fut le cas en Espagne (1-1). Le but de Giroud change beaucoup de choses dans l'appréciation globale. Et cela nous a permis de retrouver le soutien du public français qui a vibré.
Est-ce un acte fondateur ?
Avant ce match, on n'était ni les plus nuls ni les meilleurs du monde. C'est toujours le cas. Mais notre performance en Espagne donne de l'espoir. Il faut la faire fructifier lors du match amical en Italie, le 14 novembre. Les compteurs sont remis à zéro à chaque match. Nous devons conserver cette attitude contre des sélections moins prestigieuses afin de nous qualifier pour le Mondial 2014 au Brésil.
Avez-vous trouvé votre groupe ?
L'équipe de France compte beaucoup de joueurs à moins de 20 sélections. Plus il y aura de joueurs convoqués à chaque rassemblement, plus l'équipe se renforcera collectivement. Rien n'est figé, mais les joueurs ayant participé à nos derniers matchs ont un avantage. À eux de maintenir le même niveau d'exigences. Une sélection n'est jamais acquise.
Et vos leaders ?
Il faut une expérience internationale significative pour avoir du leadership. Dans des registres différents, j'ai quelques leaders. Lloris en est un, sa crédibilité repose sur une exemplarité au-dessus de tout. La légitimité vient avec le temps. Je n'ai jamais vu un mec avec 5 sélections taper du poing sur la table. Ceux qui ont un vécu sont aptes à tirer les enseignements des erreurs du passé.
Comme Patrice Evra, très en vue à Madrid. Comptez-vous sur lui ?
Il a effectivement un rôle à jouer dans le groupe. Son vécu international est précieux. Comme d'autres, il a été marqué par l'Afrique du Sud. Je lui ai conseillé de prendre du recul par rapport à ça. Mais il existe un décalage entre son image et ce qu'il est réellement…
Avez-vous été atterré par la virée nocturne des espoirs ?
Généralement, j'essaie de comprendre mais là je n'y arrive pas. On ne peut pas accepter cela. Même si rien n'est jamais définitif, Yann M'Vila n'a pas d'avenir pour le moment avec les Bleus. Éric Mombaerts lui a accordé sa confiance. Il a été trahi et cela lui a coûté son poste. Les cinq espoirs concernés ont eu une attitude incompatible avec les exigences du haut niveau et d'une équipe nationale.
Comment expliquez un tel dérapage ?
Ne nous voilons pas la face. En France, le footballeur jouit d'une liberté absolue. Cela laisse la porte ouverte à toutes les dérives. Comme dans les grands championnats étrangers, l'autorité « club » doit être replacée au-dessus de tout. Contrairement à la France, on n'y devient pas président de club du jour au lendemain. Cela arrive aussi à des joueurs de déraper à l'étranger, mais les sanctions y sont sévères. C'est plus difficile pour un club français de se priver volontairement d'un joueur, car ce dernier fait partie de son patrimoine. Cela va donc à l'encontre de son intérêt sportif et économique. Ce sentiment d'impunité conforte les mauvais comportements. La réaction exemplaire du Stade Rennais par rapport à l'affaire des espoirs montre qu'il y a une prise de conscience. Il faut donner les moyens aux éducateurs et aux entraîneurs d'exercer pleinement leur autorité.
Quelle serait votre réaction si vous étiez confronté à une situation similaire ?
De par ma fonction, j'ai le pouvoir de sélectionner ou de ne pas le faire. Les joueurs le savent. À eux de respecter mes principes et les règles de vie du groupe. À partir de là, je leur fais confiance. Je ne suis pas un dictateur. Mais mon rôle est de maintenir dans le temps le cadre que j'ai défini avec mon staff en arrivant à la tête de la sélection. Après, si certains joueurs veulent me tester, libres à eux…
Cette fermeté suffit-elle à vous mettre à l'abri des débordements ?
Je ne suis pas magicien. L'édifice est toujours fragile. Du fait de la médiatisation de l'équipe de France, la moindre étincelle prend immédiatement des proportions démesurées. Il suffit qu'un joueur sorte du cadre pour que tout puisse être remis en cause. En sélection, les joueurs représentent la Fédération. En conséquence, ils doivent y venir avec la fierté de porter le maillot de l'équipe de France. C'est un privilège de la première à la centième sélection.
Les Bleus en sont-ils tous convaincus ?
Il y a des degrés de conscience différents. Les plus convaincus par ce discours doivent faire en sorte de transmettre le virus de l'équipe de France à ceux qui l'ont moins ou qui en donnent l'impression. Même pour les joueurs évoluant dans les plus grands clubs européens, l'équipe nationale doit être le fil conducteur de leur carrière. Il n'y a rien de plus beau. Quand cela se passe mal en sélection, ils doivent aussi en souffrir. La sélection est une vitrine qui leur apporte énormément sur le plan personnel. Cela implique des devoirs. Parfois l'image que certains joueurs véhiculent ne reflète pas ce qu'ils sont réellement. Il y a des attitudes simples à avoir pour combler ce décalage : afficher un plaisir communicatif et se montrer disponible.
Cette approche résiste-t-elle à l'évolution du milieu ?
La société a changé dans son ensemble. Les mentalités ne sont plus les mêmes, les centres d'intérêt aussi. Le pouvoir pris par les nouvelles technologies auprès des jeunes n'est pas spécifique au foot. Mais il est vrai que le poids pris par l'entourage des joueurs est plus important qu'à mon époque. C'est compliqué à gérer pour tous les entraîneurs. Quand vous secouez un joueur, c'est uniquement pour qu'il se reprenne et réagisse positivement. Ce n'est jamais agréable d'entendre des choses négatives sur soi mais c'est parfois nécessaire pour progresser. Si deux minutes plus tard, le joueur est conforté dans ses erreurs par son entourage, le message passera plus difficilement.
Considérez-vous votre palmarès comme un atout dans ce combat ?
Le palmarès est vite broyé si on ne bosse pas avec acharnement au quotidien. Mon expérience de joueur et d'entraîneur m'aide seulement à aborder les problématiques le plus efficacement possible. J'incarne l'autorité mais je ne suis pas un policier. J'aime nouer des relations avec mes joueurs et les responsabiliser. À certains moments, il faut lâcher la bride, à d'autres se montrer ferme. Tout le mérite de notre récent match nul en Espagne revient aux joueurs. Je n'ai fait que les placer dans les meilleures conditions pendant la préparation. Je souhaite que les joueurs soient capables de régler eux-mêmes les problèmes en amont. Mais quand j'ai besoin de parler, je n'hésite pas. Je choisis seulement mes interventions et je m'efforce d'axer mon discours sur des points très précis.
Comment concevez-vous votre rôle de sélectionneur ?
L'attachement que je porte à ce maillot est plus fort que tout. Je me sens privilégié d'assumer cette fonction. Ce n'est pas un métier mais une passion. Je m'implique énormément. J'aurais pu ne prendre aucun risque et rester tranquille chez moi à ne rien faire. Si je suis là c'est parce que je m'y retrouve dans mon corps et dans ma tête. Hormis les périodes de rassemblement qui sont très intenses, le rythme est moins soutenu qu'en club. Entre les stages, je suis de près les performances des internationaux en club et je m'investis dans la vie fédérale, notamment via des contacts réguliers avec la DTN.
L'effervescence médiatique autour de la sélection vous effraie-t-elle ?
Les « y a qu'à », les « il aurait fallu », je les vis bien. Mon seul objectif est de qualifier l'équipe de France pour le Mondial au Brésil. Je me focalise uniquement sur cette mission. Je respecte les analyses de tout le monde mais cela ne détermine pas ma ligne de conduite. Quand on fait des choix, on ne fait pas plaisir à tout le monde. Les remplaçants doivent passer outre leur déception et s'insérer dans notre projet collectif. Comme en Espagne…